Rien que le nom fait déjà frémir les voyageurs. L’Ile de Pâques, cette destination du bout du monde, est une terre isolée, située à 3680 km du Chili et à 4050 km de Tahiti au milieu du Pacifique. On en a rêvé durant la préparation du tour du monde, on y est ! Tout voyageur tente de percer un peu ses mystères encore irrésolus de nos jours. Récit d’une semaine fascinante à l’Ile de Pâques.
Premiers pas sur la terre des Moai
De Santiago du Chili, il faut environ 5 heures pour rejoindre Rapa Nui, le nom pascuan de l’Ile de Pâques. Nous sommes étonnés de la taille de l’avion – plus de 300 personnes à bord ! – pour une si petite île, et ceci deux fois par jour. Cependant, une fois sur l’île, plus aucune trace de ces touristes. Les rues et nombre de sites archéologiques sont déserts. Sûrement un autre mystère de l’Ile de Pâques…
Nous avons décidé de commencer par quelques jours de camping en bord de mer avant de se faire plaisir en fin de séjour dans un vrai hôtel. La chaleur dans la tente nous fait tout drôle après le trek de Torres del Paine. Et quelle vue en longeant la côte !
Cet après-midi, on parcourt à pied le seul village de l’île, Hanga Roa, où se concentrent toutes les habitations, services et restaurants. On se laisse tenter par des empanadas au thon et aux légumes, excellents. Les quelques marchés artisanaux sont sympathiques, ainsi que l’Eglise : il me semble que même la statue de Jésus a un air de Moai. Au camping, on rencontre Marie et Adrien qui font un tour du monde dans le sens opposé. C’est l’occasion d’échanger quelques expériences d’Asie et d’Amérique du Sud.
L’île de Pâques en scooter
Ahu Akivi et Ranu Akoi
Un vieux casque éraflé vissé sur nos têtes, nous démarrons la machine pour deux jours intenses de visite. On commence par le site d’Ahu Akivi et ses sept moai debout, les seuls orientés vers la mer, représentant les sept explorateurs envoyés par Hotu Matu’a. Ce roi pulynésien déchu fut à l’origine de la première colonisation pascuane. Je précise que ceux-ci sont debout car les autres sur l’île sont pratiquement tous à terre. C’est lors de guerres entre tribus que les vainqueur renversaient les moai des vaincus, comme pour réduire leurs dieux à néant.
Quant à l’histoire de l’île, voici la théorie généralement retenue. Ce serait probablement un roi déchu de Polynésie qui s’y serait exilé, emmenant avec lui quelques uns de ses partisans. Il aurait eu 7 fils et partagé l’île comme un gâteau pour chacun d’eux, afin qu’ils aient chacun un accès à la mer. La population a grandi très vite, et comme l’île est petite, il y a vite eu trop de monde. Des guerres tribales ont commencé à éclater, puis une suite d’événements tragiques a contribué à décimer la population. Leur histoire s’est perdue notamment lorsque des péruviens ont amené de force l’élite de l’île pour travailler dans les mines sur le continent. Lorsque le Pérou a été forcé de libérer les pauvres Rapa Nui, la majeure partie était décédée dans les mines, une autre de maladie et enfin, les seuls qui sont rentrés sur l’île ont contaminé les habitants ! La population a donc encore diminué et ceux qui restaient n’étaient pas assez cultivés pour connaître ou tout au moins transmettre la tradition et l’histoire de leur pays.
De la plateforme, un petit sentier mène vers Ranu Akoi, le point culminant de l’île. En haut, accueilli par un vent à décoiffer les moai, on peut contempler le cratère d’un des volcans à l’origine de l’île.
La vue à 360° sur l’île montre bien le contraste entre la zone fortement habitée de Hanga Roa et le reste de l’île, désertique et complètement pelée, surmontée de quelques volcans aux extrémités. L’île était déjà rasée de la majorité de ses arbres quand elle a été découverte par les colons. Cette déforestation est probablement due à l’utilisation massive de troncs d’arbres pour transporter les Moai. Seuls quelques vaches et chevaux se baladent entre les pentes arides et les falaises battues par les eaux du Pacifique.
La carrière de Pu Kao
On rejoint ensuite le petit volcan Puna Pau où étaient taillées les Pu Kao, coiffes des moai, dans la scorie volcanique rouge en abondance ici. Le site contient 21 Pu Kao à leur étape d’élaboration et de début de transport.
Nous longeons ensuite la côte nord qui offre de nombreux points d’intérêt, que ce soit pour contempler les vagues qui viennent s’écraser contre la roche, ou des plateformes de moai, très souvent renversés et pour quelques-uns très endommagés.
Epoustouflante Tongariki
A l’arrivée sur le site Tongariki, c’est l’apothéose ! Les 15 moai alignés confèrent à ce lieu une atmosphère toute particulière. Derrière eux, la mer et plus loin encore la péninsule de Poike dans une légère brume.
Pour rentrer, nous prenons un autre chemin, espérant voir encore quelques sites et c’est un véritable parcours de motocross ! Les chemins ne sont pas bitumés et je dois slalomer pour éviter les ornières.
Nous reviendrons à Tongariki le lendemain matin vers 7 heures pour le célèbre lever du soleil entre les moai : à ne pas manquer ! Je trouve que l’essence même de l’île de Pâques est dans ce lever de soleil sur la mer, éclairant progressivement les moais.
Le village Orongo et l’Homme-Oiseau
Au Sud de Hanga Roa se trouve le village cérémonial Orongo, perché entre le cratère du volcan Ranu Kao et des falaises abruptes. Nous passons devant les ruines des maisons sommaires occupées uniquement quelques semaines, à l’occasion du concours annuel de l’homme-oiseau.
Elles étaient construites au ras du sol, ce qui nécessitait de se pencher ou presque ramper pour y entrer ; on ne pouvait pas y tenir debout. La population ne s’y rendait que pour y dormir et s’abriter du vent, toujours très violent au sommet du volcan.
Lors de cette cérémonie, les chefs des différentes tribus concouraient pour ramener le premier œuf du manutara, un oiseau vénéré nichant à Motu Nui, un îlet situé face au village de Orongo.
La compétition n’était pas dépourvue de difficultés. Les participants devaient descendre la falaise, nager dans les eaux mouvementées du Pacifique et patienter sur la petite île jusqu’à l’arrivée des oiseaux qui venaient y pondre. Certains s’écrasaient contre la falaise, se noyaient ou mourraient sur l’île, faute de vivres.
Cette cérémonie du Tangata Manu ou Homme-Oiseau, réservée aux hommes, avait pour but d’élire le chef de l’année. Ce dernier, alors considéré comme sacré, vivait en ermite durant un an. Terrible !
Certains rochers alentour comportent encore des pétroglyphes, bien que le vent les efface petit-à-petit.
Rano Raraku, la nursery des moai
Après un déjeuner des grands jours (thon à l’huile et non à l’eau, Môssieu!), nous nous rendons à Rano Raraku, la carrière des moai. On a la chance de rencontrer Sebastian qui nous avait renseignés à l’office du tourisme. Il est en mission et guide un groupe de fonctionnaires venus de Santiago. Gentiment, il nous propose de l’accompagner et tout au long du circuit, il nous en apprend plus sur les moai. Il parle évidemment en espagnol mais on comprend pratiquement tout maintenant ! De nous-mêmes, nous n’aurions jamais pris de guide car les prix sont élevés, et pourtant, ça en valait bien la peine.
Le cône volcanique de Rano Raraku est la carrière ayant servi à la taille des moai à grande échelle. On y retrouve près de 400 Moais à différents stades de leur élaboration. Les moai ont été retrouvés enterrés avec la plus grande partie enfouie, comme un iceberg. C’est seulement avec le temps qu’ils se sont recouverts ainsi. Pour ne pas modifier le lieu, les archéologues, après avoir sorti et analysé les statues, les ont replacées comme à leur origine. Le plus grand mesure 21 mètres de long et pèse 180 tonnes ! Comment ont-ils réussi à les transporter jusqu’à l’autre bout de l’île ? Ont-ils utilisés des rondins de bois ? Les transportaient-ils couchés ou debouts ? Personne n’a de preuves tangibles, mais plusieurs hypothèses ont été avancées. Ma théorie préférée est « la marche des moai ». Un système de cordes tirées dans un sens puis dans un autre, aurait permis au moai de marcher très lentement, suite aux petites rotations successives. Apparemment, cette théorie ne tiendrait pas à cause du poids des moai. Oui, mais si 25 personnes tirent sur la corde ? Toujours est-il qu’un grand nombre d’entre eux n’arrivaient pas à destination et étaient abandonnés en chemin. Depuis Rano Raraku, on peut d’ailleurs voir deux chemins bordés de moai, l’un en direction de Tongariki, l’autre de Anakena.
La plage d’Anakena
Pour notre dernier jour de scooter, nous nous rendons à un autre site exceptionnel. Anakena est magnifique avec sa plage de sable blanc, ses cocotiers et son lagon !
Tout comme à Tongariki, ces moai ont été restaurés et relevés. Ceux-ci ont même presque tous leur Pu Kao et leur finesse les classe parmi les plus réussis. Ils sont aussi plus récents.
Nous arrivons ensuite devant le plus grand Moai transporté depuis la carrière de Rano Raraku. Il mesure onze mètres de long et pèse environ 90 tonnes ! A gauche de la plateforme funéraire se situe la pierre de Te Pito’O Te Henua qui possède de la magnétite et aurait été, selon la tradition, amenée par les ancêtres.
Nous quittons le camping pour l’hôtel Vai Moana. Nos nouveaux amis français partent aussi, mais pour le Chili. Malheureusement, deux heures avant leur avion, Marie rentre dans une grande baie vitrée qui éclate en mille morceaux… Les jambes ensanglantées, elle est emmenée à l’hôpital. Rien de grave mais tout de même quelques points de suture. Et ils ont réussi à retarder le vol ! Belle performance, les amis !
L’hôtel Vai Moana
Nous découvrons l’hôtel Vai Moana et son propriétaire Edgard. Les lieux sont superbement décorés. Sculptures en bois et moai taillés par des artisans locaux peuplent les espaces communs. Des fresques décorent les murs extérieurs des habitations. D’ailleurs, Edgard nous explique qu’il souhaite transformer son hôtel en un lieu écologique et culturel. Il a notamment des projets d’ateliers artistiques où le voyageur pourrait participer et communiquer plus facilement avec des Pascuans.
C’est dans un jardin bien entretenu que se trouve la chambre où nous prenons nos quartiers. Confortable et spacieuse, un régal après plusieurs nuits sur un tapis de sol.
C’est l’occasion de prendre notre après-midi « dimanche », comme on a l’habitude de le faire de temps en temps pour se reposer.
La côte ouest
Après avoir pique-niqué sur une petite crique entourée de sculptures à Hanga Roa, nous longeons toute la côte ouest à pied sous une chaleur à faire fondre un moai. Progressant vers le Nord, on découvre le site Ahu Tahai qui comprend trois autels. Ahu Ko Te Riku est la seule plateforme dont le Moai possède des yeux de corail blanc et de scorie rouge. On nous explique que la restauration avait été faite pour une publicité dans Paris-Match mais qu’elle a été conservée ensuite pour montrer aux touristes à quoi ressemblaient les moai à l’époque. En route nous sommes embarqués en 4*4 par deux Pascuans qui vont pêcher au harpon. Malheureusement, après dix minutes ils ont oublié du matériel et doivent faire demi-tour. Ils nous laissent continuer à pied. Le chemin au bord de la falaise passe près d’une grotte de lave où avait lieu des rituels anciens Rapa Nui.
Le soir, nous tombons sur un petit restaurant que je qualifierais de « serendipity » (si vous êtes curieux, allez chercher ce que ça veut dire…). La restauratrice vient de le racheter et on peut la voir s’activer en cuisine. Une serveuse souriante, une dizaine de couverts et une cuisine de la mer locale et savoureuse, le tout pour un prix raisonnable. On a droit aux amuses-bouche, aux entremets et elle nous offre même l’apéritif à l’occasion de l’ouverture : quoi de mieux pour terminer son séjour à l’île de Pâques ? Elle ne connaît pas Trip Advisor, je l’encourage à s’inscrire. Ca y est, le restaurant Manaui est maintenant connu.
Adieu Moai, Pu Kao, Rapa Nui…
Edgard nous propose de profiter de l’hôtel après le check-out jusqu’à l’heure tardive de notre avion. Nous envisageons de nous rendre à la péninsule de Poike, la seule partie de l’île que nous n’avons pas encore explorée. On ne peut s’y rendre qu’avec un guide car la grotte de la vierge, notamment, est impossible à trouver seul. Ce tour étant inhabituel, rares sont les prestataires qui le proposent et quand cela arrive, les tarifs peuvent être exorbitants : l’un d’eux nous annonce 300 dollars ! D’autres proposent le tour pour une centaine de dollars, mais pas aujourd’hui… Bref, on va voir Sebastian à l’Office du Tourisme. Il nous explique en détails un parcours de 5 heures à faire soi-même, même si on risque de manquer la grotte. Mais au moment de louer le scooter, une pluie torrentielle s’abat sur l’île et lessive nos plans. Ce sera donc rythme tranquille à flâner dans les marchés, manger nos derniers empanadas avant de quitter cette île du boodhoo monde, la tête pleine de mystères irrésolus.
Conseils aux voyageurs :
- Le vol vers l’Ile de Pâques est malheureusement cher. Cependant, la compagnie aérienne LAN propose régulièrement des prix « promo » vers certaines destinations du Chili. Guettez ceux pour Rapa Nui ! Et bien sûr, combinez avec des vacances sur le continent puisque vous atterrirez obligatoirement à Santiago.
- Contrairement aux Galapagos, on ne vous demande pas de régler l’entrée au Parc National dès la sortie de l’avion, bien que cette contribution soit obligatoire lorsque vous visitez les sites archéologiques. Il va donc de votre propre initiative de vous rendre à l’un des deux bureaux délivrant les tickets… Toutefois, pour rentrer sur Orongo et Rano Raraku, vous serez contrôlés. Pas fous, les zigotos, ce sont deux sites indispensables ! Ce ticket vaut actuellement 30 000 pesos chiliens. Tenez-vous bien, en 2009 il valait 5000 CH$ puis en 2012, 10 000 CH$ ! Le prix augmentera-t-il donc encore d’année en année ??
- Sur cette île où les « cailloux » ne révèlent pas grand-chose et où les panneaux explicatifs sont très rares, si l’on veut bien faire il faudrait prendre un guide pour tout ! Selon vos envies et vos attentes, vous pouvez choisir entre visiter seuls avec un guide papier en ayant conscience que vous aurez manqué quelques détails intéressants et entre visiter accompagné d’un guide qualifié qui saura vous révéler quelques mystères.
- Côté budget alimentation, on dit que la vie y est « beaucoup » plus chère que sur le continent. C’est vrai, mais il y a toujours moyen de s’en sortir raisonnablement. Choisissez une auberge avec cuisine pour limiter les frais ou des empanadas quand vous n’avez pas envie de cuisiner. Niveau restaurants, l’offre est nombreuse et change tout le temps. Il en existe de qualité aux prix raisonnables, donnez-vous seulement le temps de les débusquer !
C’est magnifique… J’en rêve.
à concrétiser alors dans le futur!!! pas si dur de partir… 🙂
alors là, le rêve ne fait que s’amplifier …
Merci pour le soleil… et le reste. Bises à vous deux. Marc.
Avec plaisir Marc!
A la prochaine!
C&M