Le Cambodge évoque à la fois le génie et la beauté que laissent transparaître les temples d’Angkor, mais aussi la noirceur et un visage effrayant de l’Homme durant la période des Khmers Rouges. De nombreuses ONG opèrent au Cambodge, notamment par une implication et des actions engagées pour l’éducation des enfants, fer de lance de la renaissance du pays. Nous sommes allés à la rencontre de l’ONG Enfants du Mékong que je vous invite à découvrir ici, et avons passé notamment quelques jours dans le centre Enfants Du Mékong de la province de Preah Vihear.
Preah Vihear
Preah Vihear est le nom d’une province au Nord du Cambodge. Elle n’est pas très touristique, hormis le temple du même nom qui borde la frontière avec la Thaïlande. Nous découvrons son marché très animé avec des poissons encore vivants ou séchés au soleil, des saucisses suspendues, des curry d’herbes fraîchement moulues…
Qui est Enfants du Mékong?
Le choix de l’ONG et du centre de Preah Vihear n’était pas dû au hasard. Tout est parti de mon ami Vianney qui, après une mission de plus de deux ans en 2009, s’y est installé de nouveau afin d’assurer le démarrage de ce nouveau centre. Mais il vous en parle mieux que moi dans la petite interview qui suit. Les réponses ayant été données en khmer – Vianney le parle couramment – je vous ai traduit !
AuBoodhooMonde : Vianney, peux-tu nous présenter Enfants du Mékong et nous préciser ses actions au Cambodge?
Vianney : Enfants du Mékong est une ONG qui agit en Asie du Sud-Est depuis plus de 50 ans. Son cœur d’action est le parrainage scolaire, c’est-à-dire qu’une personne parraine un enfant pour lui permettre d’aller à l’école. Aujourd’hui, plus de 20 000 enfants, sélectionnés sur des critères de pauvreté et de motivation, sont soutenus dans sept pays : Cambodge, Thaïlande, Vietnam, Laos, Birmanie, Chine et Philippines. En complément, Enfants du Mékong finance aussi des projets de développement afin d’améliorer l’environnement des filleuls : construction d’écoles, de toilettes, de bibliothèques, projets d’accès à l’eau…
Au Cambodge, plus de 3 000 enfants sont parrainés. Ici, les besoins sont grands, car le pays ne s’est pas encore remis de la période des Khmers Rouges, lors de laquelle toutes les infrastructures ont été détruites et tous les intellectuels exterminés.
AuBoodhooMonde : Nous sommes actuellement dans le centre de Preah Vihear grâce à toi et t’en remercions. Quel est le rôle de ce centre et en quoi consiste ta mission ?
Vianney : Au Cambodge, les établissements scolaires sont peu nombreux et les infrastructures routières très peu développées. Il est donc souvent très difficile pour les enfants issus de zones isolées de poursuivre leurs études. Enfants du Mékong a donc décidé de mettre en place des centres scolaires, afin de permettre aux filleuls de continuer leurs études jusqu’au niveau universitaire et de leur offrir un environnement idéal pour leur épanouissement. Dans les centres, les jeunes sont hébergés dans des foyers d’accueil, et suivent des cours complémentaires qui sont indispensables au Cambodge pour avoir un niveau correct.
Enfants du Mékong a mis en place cinq centres scolaires au Cambodge, dont le centre de Preah Vihear qui vient d’ouvrir ses portes à la rentrée scolaire 2013. Pour cette première année, ma mission est donc d’assurer le lancement du centre et de coordonner les actions d’Enfants du Mékong dans la région.
AuBoodhooMonde : Qu’est-ce qui te plaît le plus et que trouves-tu le plus difficile dans la réalisation de tes objectifs ?
Vianney : Ce qui me plait le plus : le fait de faire une action concrète, et d’en voir chaque jour les résultats, de voir mes jeunes qui sont heureux et qui s’épanouissent, et de construire avec eux une relation humaine qui va bien au-delà d’une simple aide matérielle.
Le plus difficile : j’ai l’impression que j’ai déjà surmonté les principales difficultés lors de ma première mission, c’est-à-dire les problèmes de communication et de travail dans un environnement culturel très différent. Pour cette deuxième mission, les choses sont beaucoup plus faciles, car je connais la culture et la langue locale.
AuBoodhooMonde : Si des lecteurs veulent aider ou participer, quelles sont les possibilités et comment procéder ?
Vianney : Il y a plusieurs façons d’aider ou de participer, selon les degrés d’engagement :
- Tout le monde peut parrainer un enfant, et lui permettre ainsi d’aller à l’école. Il s’agit plutôt d’un engagement sur le long terme, même si le parrain peut mettre fin au parrainage dès qu’il le souhaite (EDM cherche alors un autre parrain et le filleul n’est pas abandonné). Le plus simple pour cela est d’envoyer un mail de ma part à Catherine Pagès, chargée de l’accueil des nouveaux parrains : cpages@enfantsdumekong.com
- Chaque année, Enfants du Mékong envoie une cinquantaine de volontaires sur le terrain pour des missions d’un an. Les missions courtes sont exceptionnelles, l’objectif étant d’avoir des volontaires qui peuvent apprendre la langue et comprendre la culture du pays. Les recrutements pour la prochaine promotion ont déjà commencés, mais il reste encore surement des missions à pourvoir : http://www.enfantsdumekong.com/fr/nous-rejoindre/volontariat
- Il est aussi possible de faire un don ponctuel. En particulier, Enfants du Mékong recherche des dons pour financer les missions des volontaires : assurance, billet d’avion, indemnité de vie. Tous ceux qui souhaitent faire une petit geste pour soutenir mon initiative peuvent le faire en suivant ce lien : http://soutienbambou.enfantsdumekong.com/detail/responsable_de_centre_scolaire___cb_2013.html
Villages de Preah Vihear à Moto
Nous profitons aussi de notre présence dans la région de Preah Vihear pour accompagner Vianney dans la deuxième partie de sa mission qui consiste notamment à suivre les filleuls parrainés dans les villages alentour.
Map et Nimol, de l’ONG Buddhism for Development nous accompagnent. Cette ONG locale travaille avec Enfants du Mékong depuis de nombreuses années, partenariat qui a débuté dans les camps de réfugiés pendant la période des Khmers Rouges. Dans le cadre de ce partenariat, une partie des filleuls d’Enfants du Mékong est suivie par les salariés de Buddhism for Development qui apportent leur connaissance de l’environnement et des problématiques locales. Afin d’assurer le bon fonctionnement du programme de parrainage, la mission de Vianney est de faire le lien entre les deux ONG.
C’est à moto que nous circulons toute la journée. Vianney sur la sienne, Chloé derrière Map et moi derrière Nimol.
Nous découvrons un peu plus le quotidien de ces familles aux nombreux enfants, saluons les jeunes parmi leurs camarades dans leurs salles de classe et visitons les foyers où logent ces enfants parrainés.
Malgré leur pauvreté et leurs conditions de vie difficiles, les gens sont extrêmement accueillants, positifs et joyeux. Nous avons notamment été frappés par l’hospitalité d’une famille d’une minorité ethnique animiste qui préparait une fête : si nous l’avions voulu, nous aurions pu les accompagner à manger et discuter durant toute la nuit. D’autres, sachant que nous étions partis pour la journée, nous ont offert de l’eau et des fruits.
Nous revenons cheveux au vent pour le dîner et mangeons cette fois avec les garçons. En effet, les foyers des filles et des garçons sont séparés et nous alternons à chaque repas.
Après le repas, nous improvisons un petit cours d’anglais : pas facile de leur apprendre la juste prononciation !
Vie au Centre de Preah Vihear
Les jeunes doivent se réveiller tôt car ils ont déjà des cours complémentaires de 6h à 7h avant d’aller à l’école à vélo, à 2 km de là.
Vers 8h, Veena, la jeune cuisinière, se rend en scooter au marché. Pas de frigo ici, donc tout est frais, acheté chaque jour et cuit dans la journée. Elle prépare pour tous une cuisine familiale typique qu’on ne retrouve pas sur les cartes des restaurants.
Le riz est la base de l’alimentation des cambodgiens et même s’ils font des nouilles, ils ne peuvent pas concevoir de les servir sans riz ! Les quantités consommées chaque jour sont astronomiques – pour la vingtaine de jeunes du centre, 100 kg tous les 10 jours ! Ici, au moins, les enfants sont assurés de manger à leur faim à chaque repas. Il y a toujours des légumes – vous imaginez déjà le visage de la diététicienne qui s’éclaire ! – le plus souvent sous forme de bouillon versé sur le riz, et la viande, toujours présente, est servie en petite quantité. On goûte notamment à la fleur de bananier, au liseron d’eau, au poisson-chat et à la pâte de poisson fermentée, que Vianney nous désigne délicatement comme de la « pâte de poisson pourri » ! Chloé apprend également quelques techniques de cuisine avec l’aide de Veena.
Vers 11h30, tout le monde rentre pour le déjeuner. C’est l’occasion pour nous de faire davantage connaissance. Nous tentons d’apprendre quelques mots khmers et de leur enseigner des mots anglais. C’est un moment convivial, mais assez rapide car certains ont des cours complémentaires avant de reprendre l’école l’après-midi.
A leur retour, ils ont encore des cours au centre. J’assiste à un cours d’électricité en sciences physiques et suis tout étonné de voir que beaucoup de termes sont des mots français !
Le dîner vers 18h30 est pris plus tranquillement et se prolonge souvent par l’heure d’étude et de devoirs.
Nous essayons de les aider pour les devoirs. Je dois me remettre en tête les logarithmes et autres équations trigonométriques… Pas facile, mais ça revient progressivement. J’apprends quelques termes mathématiques en khmer afin de communiquer plus facilement et je suis plutôt content. Quand la communication ne passe pas, il faut faire appel à « Bong Yané ! » (grand frère Vianney) pour jouer l’interprète – mais c’est une expérience assez drôle et incroyable à vivre.
Le samedi soir c’est traditionnellement soirée cinéma. Le tableau est décroché du mur et les équations font place au film de la semaine. Ce soir, c’est Maman j’ai raté l’avion en anglais sous-titré. L’ambiance est électrique et Vianney fait les choses à la perfection : un ordinateur, un vidéoprojecteur et des enceintes sont branchées avec l’aide de quelques enfants. L’électricité est fournie par un générateur diesel installé dans un hangar à côté et qui fonctionne durant une heure le matin et quatre heures le soir. Vianney passe quelques clips de chansons cambodgiennes le temps que les spectateurs s’installent – on sent déjà l’ambiance !
Nous voici partis pour une soirée de fous rires car chaque scène déclenche beaucoup de commentaires, d’angoisses au moment où le héros risque de se faire prendre au piège et d’hilarité quand il gagne. A priori le prochain film à l’affiche sera l’Age de Glace 3 ! Ils en sont fans !
Le dimanche après-midi, une fois les tâches de nettoyage des salles de classe et des foyers effectuées, les enfants jouent au volley-ball. Nous sommes pieds nus sur le terrain en sciure de bois et je ne comprends pas trop les règles de comptage khmer…, mais peu importe, le principe reste le même!
Chloé bouleverse un peu ce planning habituel en proposant une nouvelle activité manuelle et créative. Ayant comme passion la création de bijoux, elle a déniché pelotes de fils colorés, perles, épingles, et autres petites pacotilles au marché de Preah Vihear. Avec l’aide de Vianney, elle monte un petit atelier afin d’apprendre aux enfants à faire des bracelets brésiliens. La sauce prend vite ! Comme c’est le week-end, la salle de classe se transforme atelier de confection : les tables sont rassemblées et tout le monde participe, y compris les garçons. Ils sont tous très assidus et ramènent des bracelets à finir au foyer.
En deux jours, certains ont fait une dizaine de bracelets ! Les filles en tressent aussi pour leurs amies. Nous sommes heureux de cette participation active. De plus, la création d’un objet les valorise énormément.
Au revoir Enfants du Mékong
Après ces jours passés avec les enfants, le départ est toujours un moment difficile car on s’attache très vite à eux. Eux aussi, dirait-on, car on repart chacun avec des poignets très colorés !
Nous avons pu constater au jour le jour les actions concrètes d’Enfants du Mékong au centre de Preah Vihear et le bienfait que l’association procure aux jeunes. Nous avons aussi retrouvé un Vianney plus motivé que jamais pour le développement du centre, la construction de foyers et salles de classe et la recherche de professeurs qualifiés pour les cours complémentaires. Même des petites actions financées par les dons permettent d’améliorer grandement la vie de ces enfants : une bicyclette pour aller à l’école, des installations pour l’eau potable ou un peu d’électricité le soir, voilà les désirs de ces enfants qui souhaitent quasiment tous devenir soit médecin, soit professeur. Et peut-être pourrez-vous, vous aussi, les aider à réaliser leurs rêves !
* Note: cet article n’est pas un article sponsorisé sous aucune forme et nous n’avons pas été mandatés par Enfants du Mékong pour son écriture. Les affirmations sont basées sur notre constat et notre expérience vécue au centre de Preah Vihear.
Super article ! Beaucoup d’émotions.
Une belle expérience, gravée à jamais dans vos esprits j’imagine…
Vraiment un beau projet. On aimerait bien y retourner dans quelques temps pour voir l’évolution et la progression des enfants, mais cette fois je prendrai des cours de khmers intensifs avant! Aux dernières nouvelles, Vianney a recruté un prof d’anglais, donc on arrivera à communiquer plus facilement à notre prochaine visite à Preah Vihear!
Great!
Les activités volontaires tels que l’éducation de l’anglais ou de la santé, de l’hygiène sont vraiment utiles pour les enfants au bord du rivière Mekong. Bravo
C’est un peuple qui se reconstruit, et principalement via l’activités des nombreuses ONG.
A bientôt!