Après huit mois de tour du monde et les fêtes de fin d’année passées à l’Ile Maurice dans la famille de Murvin, nous avions planifié cette étape en compagnie de mes parents, nous offrant un mode de voyage différent, plus organisé et plus confortable ! Pour être tout à fait francs, nous nous sommes totalement laissés guider lors de ce voyage en Birmanie. En deux semaines, nous avons pu admirer les sites incontournables du Myanmar, passant par les villes de Yangon, Mandalay et Bagan, et nous enfoncer davantage dans le pays en rejoignant à pied le lac Inle.
Yangon, l’ancienne capitale du Myanmar
Pour la première fois, nous arrivons dans un pays qui nous est pratiquement inconnu : mis à part quelques noms évocateurs, nous ne connaissons ni les pratiques, ni la langue. On n’a même pas ouvert un seul guide. Mais c’était voulu : surprise totale ! La surprise fut d’autant plus grande quand on découvrit que mon frère Antoine faisait aussi partie du voyage.
Le chauffeur de taxi qui nous conduit à l’hôtel porte le longyi traditionnel. Tous les birmans portent ce tissu enroulé autour de la taille. Il est à carreaux pour les hommes et souvent uni, avec quelques motifs sur le bas et le bord pour les femmes. Les femmes portent généralement une blouse assortie, taillée sur mesure très près du corps, ce qui met en valeur leur taille menue et les rend absolument élégantes.
C’est donc à cinq que nous avons commencé la visite de Yangon, par la célèbre pagode Shwedagon.
Au Myanmar, les pagodes, les temples et les stupas – des dômes pointus, la plupart du temps dorés – sont nombreux. Le site de Shwedagon est particulièrement grand.
Pour l’atteindre, il faut grimper une longue volée d’escaliers et, comme dans tout lieu bouddhique, on se déchausse à l’entrée. La pagode est surmontée d’un stupa doré au haut duquel pendent plus de mille clochettes d’or et un peu plus de 400 d’argent, qui teintent avec la brise. Cette imposante dorure pourrait rendre le monument kitch, mais malgré l’aveuglante lumière qu’elle produit, l’ensemble reste somptueux.
Nous nous baladons parmi les nombreux petits temples, contemplant les Bouddhas, tantôt assis, tantôt couchés, et les nats qui sont des esprits vénérés au Myanmar depuis l’Antiquité.
Ici, on prie aussi pour son jour de naissance. Il y a huit jours dans le calendrier bouddhique, le mercredi étant divisé en deux, le matin et l’après-midi. Une fidèle s’avance justement vers nous pour nous expliquer comment fonctionnent ces rituels. Elle parle anglais mais nous ne sommes pas encore habitués à l’accent birman ! On finit par comprendre qu’il faut verser sur la tête de la divinité représentant le jour autant de tasses d’eau que son âge.
Poursuivant notre visite de la ville, nous pouvons contempler à loisir les visages locaux. Nombre de femmes et d’enfants ont les joues couvertes de thanaka. Cet onguent, appliqué sur le visage et parfois même les bras est rafraîchissant, antiseptique et protège la peau du soleil et de la déshydrataion. Il est produit à partir du bois d’une certaine famille d’arbres que l’on trouve dans les régions centrales de Birmanie.
Lors du trek de Kalaw au lac Inle, notre guide nous a montré comment extraire la substance du rondin de bois et l’appliquer sur le visage, à l’aide d’une brosse douce.
Nous tombons sur un stand très appétissant tenu par une femme. Devant elle, des épices, des herbes fraiches, des tomates, des lamelles de crudités, des pois chiches, des pommes de terre et des samoussas qu’elle taille en morceaux. Elle sert le tout dans des assiettes creuses, qu’elle recouvre de bouillon. Nous nous installons sans nous faire prier ; les saveurs sont exquises !
En dessert une crêpe recouverte de mélasse, de petits haricots blancs et de noix de coco râpée : un délice !
Mandalay, cité des joyaux
Pour rejoindre Mandalay, nous avons pris un transport local qui, bien que mouvementé, a eu l’avantage de nous donner un bel aperçu du pays.
A chaque irrégularité des rails, le train entrait en oscillations qui nous faisaient littéralement sauter sur notre siège ! Tant que nous étions assis, c’était plutôt drôle, mais quand l’heure de dormir est venue, je vous assure que je n’ai pas pu fermer l’œil longtemps, mes os frappant douloureusement contre la planche de bois. Durant le trajet, des vendeurs ambulants sont venus nous proposer œufs de caille, poulet grillé et épis de maïs. Nos estomacs avaient probablement perdu l’habitude de ces mets non aseptisés depuis notre sortie d’Amérique du Sud, mais l’heure était venue de les remettre en condition !
Après notre nuit en demi-teinte, un bon petit-déjeuner s’imposait pour commencer la journée. Nous entrâmes dans un café rempli de birmans. Hors des lieux touristiques, ici, il est assez difficile de se faire comprendre en anglais. Cependant on a tous fini par manger à peu près ce qu’on avait commandé. Plat salé à base de riz, de poulet et de légumes pour les uns, sucré avec des genres de pancakes réalisés devant nous pour les autres.
Mandalay était appelée autrefois « cité des joyaux » pour son jade réputé. Tous les étals touristiques en proposent mais il est très difficile de discerner le faux du vrai !
La ville abrite la pagode Mahamuni, la plus vénérée de Birmanie.
Lors des prières, l’un des rites veut que l’on colle des feuilles d’or sur la représentation de Bouddha qui mesure ici quatre mètres de haut.
Seuls les hommes ont ce privilège ; les femmes qui le souhaitent doivent faire appel à un homme. Ainsi, l’énorme Bouddha de Mahamuni, à force de nombreux collages, arbore un corps tout boursoufflé !
Nous visitons également une fabrique de feuilles d’or, où aucune tâche n’est mécanisée. Le processus d’aplatissement est très long. Le morceau d’or est écrasé une première fois avant d’être assemblé avec d’autres en un paquet ficelé dans du bambou, qui sera encore battu plusieurs fois pendant plusieurs heures.
A la fin du processus, les minces feuilles d’or seront utilisées lors les prières, ou pour recouvrir des objets.
Du palais royal, nous ne pourrons voir qu’une seule partie, le reste du site étant occupé par l’armée. Les bâtiments ont été entièrement reconstruits suite à un incendie, mais ils demeurent moins raffinés que l’original. Vides et sans âme puisque jamais habités, ils donnent cependant un bon aperçu de la splendeur souhaitée par le roi Mindon. Lors de cet incendie destructeur, seul un monastère y a échappé car… il avait été déplacé ! En effet, à la mort de son père, le fils du roi Mindon, trop chagriné par la vue du bâtiment qui lui rappelait son père, l’avait fait démonter et remonter à l’écart. C’est ainsi que nous avons la chance aujourd’hui de voir à quoi ressemblait réellement le travail de l’époque : les sculptures sur le bois sont extrêmement fines et minutieuses.
La pagode Kuthodaw nous a surtout marqué à cause des 729 templions d’un blanc immaculé qui l’entourent. Chacun d’eux renferment une stèle d’albâtre sur laquelle est rédigé un morceau du Canon, la « Bible » bouddhique. A la lumière du soleil déclinant, la visite en est particulièrement agréable.
On termine la journée par le coucher de soleil en haut d’une dernière pagode. Le lieu est moins joli que les autres et les touristes bien plus nombreux que durant la journée. Cependant, le soleil nous gratifie d’un coucher rougeoyant mémorable.
Mingun
La ville de Mingun se situe à une dizaine de kilomètres de Mandalay, sur la rive opposée. Nous la rejoignons après une agréable balade en bateau sur le fleuve Irrawaddy.
A notre arrivée sur la terre ferme, nous sommes accueillis par un homme qui se présente comme professeur d’anglais jouant le rôle de guide lorsqu’il n’a pas classe. Il nous assure que l’intégralité de ce que nous lui donnerons reviendra à son école. Nous n’avons aucun moyen de vérifier ses dires et j’avoue que je suis plutôt méfiante depuis les faux-guides du Maroc. Cependant, un guide nous serait bien utile pour nous raconter plus en détails l’histoire de cette cité morte, ce qui nous pousse à accepter ses services. Il semble très cultivé et regorge d’anecdotes, tantôt sur la construction de tel édifice, tantôt sur les légendes bouddhiques. Le premier monument que nous croisons est une pagode inachevée réalisée sous le roi Bodowpaya.
Ce monarque ambitieux souhaitait édifier le plus grand monument du monde, soit 153 mètres de haut. Or, de son projet démesuré, en 29 ans, seule la large base imposante fut construite ! C’est sa mort qui entraîna la fin des travaux, les caisses du royaume étant vides. On peut admirer, cependant, l’ampleur qu’aurait pris l’édifice, grâce à la maquette située à l’entrée de Mingun.
Nous passons ensuite devant la plus grosse cloche du monde mesurant 4 mètres de haut, 5 mètres de diamètre et pesant 90 tonnes.
La pagode Hsinbyume change des habituelles : ses murs ressemblent à des vagues surmontées de chantilly.
Quant à la légende entourant sa création, nous recevrons deux versions : celle de notre guide et celle d’un autre accompagnant un autre groupe de touristes ! Je relaterai plutôt celle de notre guide, plus poétique. La construction du temple aurait eu lieu sans plan ni maquette, uniquement sur les descriptions de la reine à qui il serait apparu en rêve. En effet, ce monument surréaliste relève bien du songe. Et pour rendre le lieu tout à fait mystique, elle aurait laissé les dieux choisir l’emplacement du temple en lâchant son foulard depuis une colline et faisant ériger le monument à l’endroit précis où il échoua.
Après 2h30 de visite, nous quittons notre faux ou vrai guide, peu importe, il était sympathique. Nous passons le reste de la journée dans les environs de Mandalay, visitant encore temples, pagodes et stupas.
La pagode Kaung Hmu Daw est particulièrement belle et différente des autres : son stupa a la forme du sein de la favorite de Thalun !
Comme sur de nombreux autres sites, nous sommes les seuls étrangers, mais pas les seuls touristes. Les birmans fréquentent aussi beaucoup ces magnifiques pagodes, pour y prier bien sûr, mais également en tant que visiteurs. Les moines font partie de ces touristes occasionnels. Vêtu d’une toge grenat pour les hommes et rose pour les femmes, un birman fera, au moins une fois dans sa vie, une retraite dans un monastère. C’est souvent le moyen utilisé par les familles pauvres pour offrir une éducation à leurs enfants.
A plusieurs reprises, nous sommes montrés du doigt et même photographiés ! Certains n’hésitent pas à rire ouvertement en nous dévisageant. Je n’aurai pas cru que nos têtes étaient si drôles ! C’est bien le premier pays étranger où nous nous sentons le centre d’intérêt.
Le pont U Bein
Ce pont en teck sur le lac Taungthaman mesure plus d’un kilomètre.
A nouveau, nous avons l’impression d’être davantage photographiés que le pont !
Nous y flânons jusqu’au coucher du soleil qui fut le plus bucolique du séjour.
Après un repas en rue à base de crêpes frites et de différentes sauces plus ou moins épicées, la soirée s’achève par un spectacle de danses et musiques traditionnelles. Les mouvements des danseurs sont extrêmement gracieux ; la souplesse des mains des femmes est particulièrement étonnante et difficile à imiter.
Bagan, la cité aux deux mille stupas
Après une traversée d’une journée sur l’Irrawaddy, nous atteignons la belle Bagan au moment où la lumière décline.
Nous dînons dans un restaurant de cuisine birmane, où le buffet nous est apporté d’office. Les plats de viandes et d’accompagnements sont variés. Les feuilles de thé à la pâte de cacahuètes et la purée de haricots noirs, quoique très salée, resteront nos préférés.
L’une des options pratiques et faciles est de visiter Bagan à vélo : on s’arrête quand on le souhaite et on profite bien du paysage.
De plus, la vitesse procure une agréable sensation d’air frais alors que la chaleur monte dès les premiers rayons de soleil. Nous louons les services d’un guide, bien intéressants pour nous conter les histoires des lieux.
Parmi la multitude de temples, la plupart ont été abandonnés car considérés comme trop anciens. On s’arrête aux plus impressionnants : entre autres Hti-lo-min-lo, le dernier grand temple construit, That-byin-nyu, le plus haut, Ananda le plus raffiné et Dhamma-yan-gyi Pahto, le plus gros.
Entre deux lieux saints, nous visitons une fabrique de laque. Le travail fait à la main est long et minutieux, ce qui explique le prix.
Durant nos pérégrinations, nous tombons sur Sandra et Romain, un couple tourdumondiste rencontré quelques mois plus tôt… en Equateur ! Comme nous avons chacun commencé la visite par un côté de la ville, nous ne pouvons la poursuivre ensemble mais la pause du déjeuner est l’occasion de partager nos aventures respectives. Aujourd’hui encore, je m’étonne de cette surprenante coïncidence dans nos plannings !
Les couchers de soleil, toujours très prisés au Myanmar, donnent des photos encore plus spectaculaires avec les stupas en toile de fond.
Le dernier soir, nous nous offrons un mojito qui ne ressemble pas beaucoup à celui que nous connaissons : tous les ingrédients sont mixés, ce qui donne plutôt l’impression de boire un gaspacho !
Nous quittons les villes et leurs Bouddhas pour nous enfoncer jusque Kalaw, dans la campagne birmane, d’où commence le trek de trois jours qui nous amènera jusqu’au lac Inle.
Bravo Chloé ! très belle sélection de photos, quel bel aperçu de la Birmanie et quel beau résumé de ce magnifique voyage !